mercredi 26 août 2015

Les auteurs jeunesse se meurent...

A l’occasion de la fête du livre jeunesse, en juillet dernier, Carole Trébor, présidente de la Charte, a écrit cette tribune, cosignée par Marie Pavlenko, administratrice et Valentine Goby, vice-présidente :

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1400071-infantilises-meprises-payes-une-misere-les-auteurs-jeunesse-se-meurent-aidez-nous.html

Cet alarmant constat m'a remis en mémoire l'aveu surprenant (et un brin provocateur ?) de François Busnel, fin 2010, témoignant, si ce n'est de son mépris, du moins de sa méconnaissance profonde de la littérature jeunesse :

Je dois l'avouer, je n'ai jamais cru aux vertus de ce que le monde de l'édition appelle la "littérature jeunesse". Sans doute est-ce une tare, mais ce "secteur" m'est toujours apparu comme une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de chiffre d'affaires. Je n'en accable ni les éditeurs ni les lecteurs, mais ma propre incapacité de me plonger avec délice dans des versions expurgées de chefs-d’œuvre dits "classiques" ou des resucées plus ou moins niaises de textes que l'on gagnerait à faire lire dans leur version originale.

Je préfère garder en tête la réponse que lui a faite Alain Serres, des Éditions Rue du Monde :

Vous pouvez aisément l'observer, il existe bien moins de productions mièvres ou à objectif strictement commercial dans le livre jeunesse que dans le livre adulte ! Question de volume. Et si l'on compare proportionnellement, pour un livre niais qui ne prend guère l'enfant au sérieux (bien-sûr qu'il en existe, et des particulièrement affligeants !), combien d'ouvrages qui considèrent les adultes comme des tartes en leur romançant la vie d'une héroïne d'émission de téléréalité, et de manière tout aussi gratinée ?!

Et rappeler à François Busnel les chiffres avancés ce mois-ci dans le magazine Lire, dont il est le rédacteur en chef :
 

mardi 18 août 2015

Lire, écrire, gravir...

L'écriture est un sport d'endurance. Pour moi en tout cas. Je suis lente, j'ai besoin de temps, pour écrire, relire, réécrire, laisser mûrir, laisser les idées surgir dans mon esprit, mais aussi laisser venir à moi les imprévus, les surprises.

Se retrouver devant tout le travail à accomplir lors de l'écriture d'un roman peut donner le vertige. Mais c'est comme en montagne : il faut suivre son propre rythme et, même si le chemin est long, chaque pas rapproche du sommet.


Écrire et lire sont un peu des réponses à la course du temps.
Et c'est bon de ralentir...

lundi 10 août 2015

Montagne et littérature... font toujours bon ménage...

"Troyat a d’abord décidé quel caractère il allait traiter et ensuite, comme un sculpteur qui affine ses premières ébauches, il va creuser, modeler, contraster jusqu’à donner au personnage le relief qui le fait croire vivant et réel. Troyat pratique en somme le contraire de ce que l’on appelle aujourd’hui l’autofiction.
Le roman qui m’a le plus égaré, en la matière, est "La neige en deuil". C’est l’occasion pour moi de vous mettre en garde. Après avoir élu, en la personne de mon ami Erik Orsenna, un fou de la mer (qui succédait, il est vrai, au commandant Cousteau !), vous vous êtes encombrés cette fois d’un maniaque de la montagne. Il ne s’agit pas, chez moi, d’une maladie congénitale, puisque je suis né dans le Berry, pays plat s’il en est, dont le point culminant ne dépasse pas deux cents mètres. Je salue d’ailleurs ici les représentants de l’académie du Berry, dignes héritiers de George Sand et d’Alain-Fournier. Ils m’aident à entretenir l’affection que j’ai pour la champagne berrichonne, la Sologne et le Boischaut. Mais sur le terrain sans immunité d’un natif de ces plaines, le virus de la montagne, contracté à l’âge de dix huit ans, a fait des ravages. J’aime l’escalade, le maniement des mousquetons et de la corde, le monde minéral du granit et des glaciers, l’amitié des guides dont j’utilise rarement les services mais toujours les conseils car je suis incurablement un premier de cordée. J’ai le bonheur de pouvoir me réfugier, à Saint-Nicolas-de-Véroce, dans une maison savoyarde qui ouvre sur l’aiguille de Bionnassay et les dômes de Miage. Les nuits d’insomnie, je peux suivre à la jumelle les lampes frontales des alpinistes le long de la voie normale du mont Blanc. Aussi, quand j’ai relu, pour préparer ce discours, La Neige en deuil, j’ai cru tenir le lien.
"

Extrait du discours de réception de Jean-Christophe Rufin à l'Académie Française, le 12 novembre 2009 (élu à la place laissée vacante par la mort d'Henri Troyat).

Jean-Christophe Rufin à Grenoble, en 2013
Photo DL/Lisa MARCELJA